Après l’effort, le réconfort. Et après avoir prouvé son innocence et sa bonne foi, l’heure du dédommagement.
Après discussion avec Auguste, le fils du légat, nous avons convenu que nous pourrions choisir 4 esclaves de notre choix en guise de réparation et que nous aurions également un chariot de provisions pour la colonie. Ce dernier sera livré dès que possible et en personne par Auguste … hum … je me demande s’il ira jusqu’à l’apporter dans la couche d’Alicia ? Mais je m’égard.
Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos esclaves, puisque c’est le dernier point à régler avant que l’on puisse partir d’ici. Ce n’est pas que j’ai quelque chose contre l’hospitalité de nos hôtes, mais j’ai le sentiment qu’ils sont au moins aussi doué que moi pour s’attirer des problèmes et je préfère éviter de laisser des catalyseurs à chtouille ensemble …
On nous conduisit donc dans le baraquement où sont détenus leurs esclaves, et … on peut dire que nos déserteurs avaient du stock. Essentiellement du brumaire cela dit, mais ça se négocie mieux donc ce n’était pas plus mal. (3 brumaires pour un célian, ou 4 brumaires et des provisions contre 2 célians … oui le cours du célian est plutôt élevé chez eux
)
Face à tant de choix, il se posa la question de savoir de quoi on avait besoin. On était tous d’accord pour dire qu’on manquait de main d’œuvre, et que potentiellement un ou deux artisans de plus ne serait pas superflu, selon ce qu’on trouverait.
On fit donc un tour d’horizon, et les premiers à retenir notre attention furent un adolescent qui se prétendait menuisier, mais à ses cals aux mains il ne devait guère pratiquer et ne nous emballa pas plus que ça. Il nous aurait fallu un menuisier confirmé en complément de l’actuel qui a encore à apprendre en la matière. Le deuxième à retenir notre attention fut Pilaf, un brumaire taillé comme un roc se disant puissant guerrier. On ne courrait pas trop après les guerriers (même si ça ne fait jamais de mal par ici d’en avoir un peu plus) mais sa puissance physique hors norme nous convainquit (Emma la première qui lui demanda de soulever une bonne grosse table pour le tester, ce qu’il fit sans soucis. Elle aurait dû s’assoir sur la table pour rendre la chose plus intéressante).
Le troisième fut un brumaire qui semblait avoir connu son lot de bataille. Un guerrier expérimenté en plus aurait fait plaisir, mais ce n’était pas la priorité du moment.
La 4ème fut une femme solidement bâtit, Luta, avec de sérieux cals aux mains, qui se disait maître forgeron. La chose faisait bien rire ses geôliers, mais on comprit qu’elle était sérieuse et représentait une occasion en or. Une maître forgeronne au tarif d’un esclave ordinaire ? Oui sans discuter !
Le 5ème fut un tanneur qui avait l’air de connaître son affaire, et aussitôt un autre se présenta au poste en disant qu’il était meilleur que lui, bref il essaya de se vendre du mieux qu’il put. Ce qui nous intrigua fut que le 1er ne chercha pas à le contredire et on compris rapidement pourquoi, il avait avec lui sa fille de 10 printemps environ et ne voulait pas en être séparé. Si la vie m’a bien apprisse deux choses, c’est que la famille c’est sacrée et qu’une loyauté sincère n’a pas de prix. Le choix se porta donc pour le 1er, Lodmund, et sa fille.
Devant choisir 4 têtes en tout et pour tout, le choix final fut le suivant :
Lodmund et sa fille, Luta la forgeronne, et Pilaf la montagne.
Une fois cette affaire réglée, on alla voir Solveig à son chevet. Elle était aux bons soins d’un médecin du camp, médecin qui envoya promené Emma qui proposait son aide en lui disant qu’il n’avait pas besoin de ses « pommades et charmes barbares ». Par contre la Solveig était toujours dans un piteux état et on décida de lui accorder une nuit de plus avant de reprendre la route.
Je me promenai donc de mon côté dans la forteresse, recherchant dans un premier temps du soufre et du salpêtre mais sans succès. Puis je trouvai un alchimiste pour lui demander s’il saurait me conseiller une plante locale afin de constituer une substance paralysante, sans succès non plus. La prochaine fois je demanderai une substance mortelle, ça au moins je suis à peu près sûr qu’il saura me renseigner …
Une bonne nuit de repos et nous nous mîmes en route pour un voyage qui nous prendra bien 14 jours à pied, alors que l’aller à cheval nous en prit 10.
Au 5ème jour, nous étions dans une plaine bien plate cernée de 2 chaînes de petites collines. On établit le camp dans un petit creux à l’écart de la route, Scérius et Emma prirent le 1er tour de garde, Victoria le 2ème, moi le 3ème et Sylvio le dernier. J’entamai un bout de discussion avec nos nouveaux camarades que nous avions libéré, à commencer par Lodmund.
« Alors Lodmund, d’où viens-tu ? Et comment s’appelle la petite ? »
« Erika, et l’endroit d’où je viens est sans importance maintenant. De toute façon il n’est plus … »
Visiblement il traînait un passé douloureux et je compris que la perte de la mère de la petite était encore douloureuse pour lui. Puis j’allai tailler un brin de causette avec Luta, c’est d’ailleurs elle qui entama la conversation :
« Flint, c’est bien ça ? Vous ne semblez pas d’ici, d’où venez-vous ? »
« Je viens d’une ville portuaire du nom de Vizzini »
« Euh … ah oui … » son regard était aussi éloquent que ses propos et il était clair qu’elle n’avait aucune idée d’où cela pouvait bien être. D’ailleurs je ne suis même pas sûr qu’elle comprenne ce qu’est l’océan.
« Et vous, d’où venez-vous ? »
« Des montagnes au nord … »
« De quel clan ? »
« Ce n’était pas vraiment un clan, plutôt une tribu … » Ok ! Sujet sensible qu’elle ne se sent pas d’aborder avec moi pour le moment. Pas grave.
« Vizzini est une cité portuaire au sud de l’empire. Elle compte de nombreux habitants, plus de 50.000 et son commerce la rend florissante. De nombreux navires arrivent et partent chaque jour par l’océan, cette vaste étendue d’eau, pour faire commerce ou pêcher. J’étais à l’époque capitaine de l’un de ces navires mais je dû malheureusement quitter la ville et tailler la route, route qui me conduisit jusque dans ces terres.
« On dirait une triste histoire. » Me répondit-elle. C’était simple et gentil, et cela faisait bien longtemps que quelqu’un ne m’avait pas dit qu’il était désolé pour moi … Je ne me souviens même plus quand c’était la dernière fois !
« Une triste histoire oui, mais je m’en tire pas trop mal comparé à d’autres qui eux ont des histoires vraiment tragique. Mais merci. »
La nuit continua son court tranquillement, Pilaf discutait sans finesse avec Solveig et alors qu’on pensait qu’elle serait en train de supplier qu’on l’achève – Pilaf était quand même lourd …- elle semblait au contraire plutôt contente … Décidément cette fille sera bizarre jusqu’au bout. Tranquillement la nuit sera, jusqu’à mon tour de garde. Tout était normal à l’horizon qui était parfaitement dégagé et on entendait seulement le vent qui se frottait aux herbes. Mais j’eu cette sensation … cette sensation des plus désagréable que quelqu’un m’observait. Impossible de déterminer la provenance de ce sentiment qui se montra des plus tenaces. La nuit se fini désagréablement pour moi.
Le lendemain, j’étais nerveux et aux aguets.
« Qu’est-ce qu’il t’arrive Flint ? » demanda Victoria.
« Ah … je dois me faire des idées … mais j’ai cette impression désagréable depuis hier que je suis observé. »
Sur le moment je ne sais pas si je leur rendis service en leur disant ça, car mon sentiment de malaise se propagea à tout le monde. A la fin de la 6ème journée nous étions proches du village qui avait été mis en coupe réglé par les déserteurs célians, mais vu que notre dernier passage dans ce village n’avait pas été des plus heureux nous avons préféré établir le camp dans la forêt avoisinante.
On creusa le sol et l’on fit un feu avec le bois le plus sec possible dans le trou afin de masquer la lumière du foyer. Nous étions pour la moitié plutôt nerveux, moi compris. Scérius et nos nouveaux camarades étaient eux plutôt calme. Scérius décida d’aller faire le tour du campement et peu après j’entendis un bruit depuis l’endroit où il était parti. Immédiatement je me précipitai vers sa position et au lieu de me retrouver face à Scérius je trouvai en face de moi mon ennemi juré à qui je dois mon exil …
Plusieurs sentiments se mêlèrent en moi à ce moment-là, la surprise, l’incompréhension de le retrouver ici en pleine cambrouse brumaire, la colère, l’envie de le refroidir là tout de suite, l’envie de me foutre de sa gueule …
Je ne sais pas si c’était le fait d’avoir le visage d’une vieille connaissance en face de moi qui fit que je repris un peu le contrôle, mais je lui balançai à la figure, railleur, un « Bah ? Qu’est-ce que tu fous ici toi ? ».
Et j’allai de surprise en surprise, car là où un instant plus tôt se tenait mon ennemi juré se tenait maintenant Scérius qui me jetait un regard d’incompréhension.
« Comment ça qu’est-ce que je fais là ? » me demanda-t-il.
« Tu vas rire mais l’espace d’un instant je t’ai pris pour une vieille connaissance que je rêve de refroidir … »
« Hum … dis comme ça, ça ne me fait pas trop rire en fait … »
« Tu as vu quelque chose d’anormal de tout côté ? »
« Je ne suis pas sûr »
« Hum … bon, rentrons au camp. »
De retour la nuit fraîchissant repris son court, quand soudain Pilaf cria :
« [Jurons de son patois] Là-bas ! »
« Quoi ? » Nous répondîmes en se préparant au combat, mais combat il n’y eu.
« Je suis sûr d’avoir vu une ombre bouger par là-bas. »
Moment de silence et d’incertitude … quand soudain une voix d’outre-tombe se fit entendre : »
« Vous … allez … tous … mourir …. »
Charmant. Y a pas à dire. Et pas rassurant pour un sous.
« Mais non t’en fais pas ! » Lui lançais-je avec arrogance. Plus rien …
Plus rien jusqu’à un nouveau juron de Pilaf, qui pointa du doigt une paire d’yeux rouge au loin dans les ténèbres. « C’est quoi ce bordel ? » me dis-je dans ma tête. Puis les yeux rouges disparurent dans les ténèbres en répétant leurs mots d’amour, de joie et de prospérité :
« Vous … allez … mourir … »
Distribution d’armes à nos compagnons, puis on s’affaira tous à mettre le feu à plein régime et à encercler le camp de torches. Alors que nous nous affairions à la tâche, Pilaf jura à nouveau, cette fois à cause d’un départ de feu incontrôlé devant lui. Le feu grandi à une vitesse impressionnante et les vents changeants ne nous rassurèrent pas à son propos.
Décision fut prise de rassembler nos affaires et de s’écarter du feu. Et alors que torche en main nous commencions à nous éloigner, le feu de forêt se mit autant à brûler des plus ardemment qu’à émettre une lumière des plus intense, puis en un claquement de doigt, toute flamme et toute lumière disparurent.
Là, personne même moi n’avait plus envie de faire le malin. On décida de partir chercher refuge pour le reste de la nuit dans le village voisin. On n’y est pas franchement la bienvenue mais ça ne sera pas pire qu’ici. En route, on entendit les pleurs d’une petite fille. « Quoi ? Encore une illusion ? Un piège de la créature ? » Fut le raisonnement que nous eurent sur le coup et nous continuèrent notre route. Et alors que nous approchions du village, nous vîmes une colonne de torches se diriger vers nous.
« Oh merde, s’ils ont vraiment perdu une gamine et pensent que c’est nous les responsables on est mal … » me dis-je.
« Holà ! » Lançais-je aux torches approchantes, qui étaient tenues par les femmes du village.
« Qu’est-ce que vous faites par ici ? Mais plus important, vous n’auriez pas vu une petite fille ? J’espère que la créature ne l’a pas eu … » Nous répondis l’une des femmes.
« On a entendu les cris d’un enfant mais on pensait qu’il s’agissait d’une autre illusion. C’est quoi ce truc ? »
« Une créature qui nous hante depuis le massacre du village par les déserteurs célians. Les cris, ils venaient d’où ? »
« Par là. » Et on se joignit à elles pour les assister dans leurs recherches. Recherches qui finiront par aboutir … sur la découverte du cadavre de la petite, qui avait été frappé, mangé et rendu totalement méconnaissable. Ce n’était d’ailleurs pas des crocs qui étaient à l’origine de ce massacre, ou alors c’était des crocs franchement acides …
Après cette macabre découverte, on fit le point au village. Les villageoises nous dirent que la créature se tient loin du feu et les hante depuis le massacre du village par les célians. Elles étaient d’ailleurs tellement désespérées qu’elles ont envoyé un émissaire aux déserteurs pour leur demandé de l’aide, mais cet émissaire est disparu depuis …
« Il nous faudrait un fugiline pour régler ce problème. » Dis Sylvio.
« Compliqué à trouver en ces terres ça … » lui répondis-je.
Victoria de son côté s’enquit de savoir s’il restait un chamane au village, mais on lui répondit qu’il était mort pendant l’assaut des déserteurs.
« Écoutez » Commençais-je à l’attention des villageoises. « Cet endroit n’est vraiment plus sûr maintenant. Si vous le souhaitez, vous pouvez trouver refuge à la forteresse de Fortecrête en attendant qu’on trouve une solution à ce problème. »
« On ne peut pas. » Répondis l’une. « C’est notre terre ancestrale, on ne peut l’abandonner » Répondis l’autre.
Malheureusement leur idée de ne pas partir était bien arrêtée. On discuta entre nous de ce qu’on allait faire –ou pas- pour ce problème. Finalement on décida de rentrer dans un 1er temps à la forteresse pour y déposer nos nouveaux compagnons, puis de là on fera notre rapport à Alicia et on demandera conseil à Eylif, notre Dreï, quant à la meilleure course à suivre.
Cette dernière nous dira qu’à son avis il faudra un bon groupe de chamane pour régler ce problème … Bon, c’est donc aussi sérieux que ça en a l’air.